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Folklore

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Folklore, artistes et folkloristes, une histoire croisée
Sait-on que Vassily Kandinsky a commencé sa carrière en tant qu’ethnographe en Russie ? Que l’arrière-grand-père de Constantin Brâncuși était un bâtisseur d’églises traditionnelles en Roumanie ? Que Natalia Gontcharova a développé une peinture abstraite en s’inspirant de costumes espagnols, ou encore que Joseph Beuys déclarait voir dans le folklore un outil de compréhension pour le futur ?

Assimilé à la tradition, et donc en apparence à l’opposé de l’idée d’avant-garde, l’univers du folklore infiltre pourtant des pans entiers de la modernité et de la création contemporaine. Loin des clichés d’un passéisme suranné, les artistes ont pu y trouver une source d’inspiration, une puissance régénératrice, aussi bien qu’un objet d’analyse critique ou de contestation.

Des prémices de l’art moderne à l’art le plus actuel, cette exposition, conçue par le Centre Pompidou-Metz et le Mucem, retrace les relations parfois ambiguës qu’entretiennent les artistes avec le folklore. Elle permet également la rencontre entre histoire de l’art et histoire des sciences humaines : en effet, grâce aux fonds du Mucem, héritier du musée national des Arts et Traditions populaires, elle dévoile en parallèle l’invention d’une discipline, et permet des face-à-face inattendus.

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1 . Une quête des origines ?
Dès le XIXe siècle, de nombreux artistes en quête de traces du passé vont à la rencontre d’expressions folkloriques, qu’elles se trouvent dans leurs régions natales – qu’ils ont Dès le XIXe siècle, de nombreux artistes en quête de traces du passé vont à la rencontre d’expressions folkloriques, qu’elles se trouvent dans leurs régions natales – qu’ils ont souvent quittées – ou dans des contrées qu’ils explorent lors de voyages. Il en va ainsi de Paul Gauguin, de Paul Sérusier et des peintres du mouvement nabi en quête de mysticisme en Bretagne, mais aussi de Vassily Kandinsky enquêtant dans la province russe de Vologda, collectionnant l’art populaire puis explorant avec Gabriele Münter et le groupe du Blaue Reiter (« Le cavalier bleu ») les traditions bavaroises ; ou encore de Constantin Brâncuși, Mihai Olos et Mircea Cantor travaillant le bois et les mythes roumains d’Olténie. Le folklore semble, au même titre que le « primitivisme », jouer un rôle d’antidote contre l’académisme et devient une source d’inspiration féconde pour le renouveau de l’art moderne. Il donne l’illusion aux artistes de toucher un passé profond qui ne serait pas dénaturé par l’industrialisation ni par les conventions sociales et culturelles dominantes. Cette vision du folklore comme vestige d’un état archaïque et spontané de la société est durablement ancrée dans l’histoire de la discipline.

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2 . Ambiguïtés et paradoxes

Le folklore est considéré comme le reflet de la tradition populaire d’une région ou d’un pays, transmise de génération en génération ; qu’il s’agisse de la langue, du costume, d’usages et de coutumes, de savoir-faire ou de modes de vie. Pourtant, des études et des témoignages de folkloristes démontrent que le folklore a été très fortement stéréotypé et orienté, voire forgé de toutes pièces au moment de l’émergence des identités nationales en Europe au XIXe siècle. Il est alors un levier idéologique et nationaliste, puis économique avec le développement du tourisme. Que reste-t-il de véritablement authentique dans le folklore ? Est-il fait de traditions inventées, de fictions ? Est-il figé dans le temps ou peut-il être actualisé en fonction de l’évolution de la société ? Depuis le XIXe siècle, il est fréquemment associé à des revendications identitaires et se retrouve souvent instrumentalisé par des discours qui proviennent des deux extrémités de l’échiquier politique. Les questions de l’identité et de l’authenticité sont au cœur de nombreuses démarches critiques d’artistes contemporains, qui interrogent les ambiguïtés et les paradoxes du folklore.

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3 . Un vivier de formes

Le folklore constitue pour les artistes un inépuisable répertoire de techniques, de formes et de motifs, symboles d’une vision abstraite et codifiée du monde. Pour le folkloriste, le concept de « motif » ne se limite pas aux arts visuels et à leurs applications, comme le mobilier ou les costumes, il se retrouve aussi dans la musique et la littérature orale. Par ailleurs, il s’appréhende au-delà d’une question esthétique, puisqu’il se décrit, s’analyse, s’interprète et fait l’objet de comparaisons afin de saisir sa permanence et sa spécificité au sein d’un groupe donné. Outre la question de son étude, se pose celle de sa collecte et de sa sauvegarde. La dimension esthétique du motif semble prévaloir chez les artistes modernes, notamment dans les ateliers qui cherchent l’union des arts visuels, décoratifs et de l’artisanat, au début du xxe siècle. Ces artistes, animés par une démarche d’appropriation, contribuent également à sa préservation en constituant d’immenses répertoires dans lesquels il est possible de puiser afin de régénérer l’art.

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4 . Explorer l’immatériel

Le folklore se différencie de l’art populaire par sa dimension fondamentalement immatérielle. Étymologiquement défini comme « le savoir du peuple », il regroupe des éléments tels que dialectes et langues, contes et proverbes, musiques et danses, usages et croyances... Les rituels dédiés à la nature, les cérémonies païennes ou encore les superstitions vont attirer les artistes de l’après-guerre en raison de leur caractère conceptuel et social. Les surréalistes voient dans le folklore l’expression de l’inclinaison naturelle de l’homme pour l’irrationnel ou, selon Benjamin Péret, le reflet d’une « conscience poétique du monde ». Si la transmission orale semble être le dénominateur commun de ces éléments, le colportage a également joué très tôt un rôle dans la circulation des idées et des usages, entre autres par l’imagerie populaire des almanachs ou des calendriers des bergers. De l’antique Pausanias aux illustres frères Grimm, les folkloristes voient dans les figures des collecteurs d’oralité des précurseurs de leur discipline.

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5 . Enquêter, collecter, classer 

Le folklore se différencie de l’art populaire par sa dimension fondamentalement immatérielle. Comment les arts et traditions populaires, en partie immatériels, peuvent-ils être étudiés, sauvegardés et présentés ? La question occupe les folkloristes dès la création de la discipline, et le musée semble la destinée salvatrice d’un patrimoine en voie de disparition. Au fur et à mesure que le domaine s’institutionnalise, des méthodes d’enquête-collecte, de classement et d’analyse des données et des objets sont élaborées. Les musées de folklore et d’ethnologie, puis de société ou de civilisation, se singularisent et fascinent les artistes par leur mise en scène du quotidien. Les méthodes des folkloristes fournissent en outre un modèle pour la création artistique. À partir des années 1970, l’art contemporain intègre une dimension anthropologique : enquête de terrain, collecte d’objets, exposition de situations ; comme en témoignent les démarches de Marcel Broodthaers, Raymond Hains et Claudio Costa, ou, dans les générations suivantes, Jeremy Deller et Alan Kane, Florian Fouché, Pierre Fisher et Justin Meekel, dessinant un portrait de « l’artiste en folkloriste ».

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6 . Vers un folklore planétaire ?

Si, par définition, les folklores sont liés à un territoire ou à un groupe délimités, ils circulent désormais ostensiblement à l’échelle planétaire, entre industrie et tourisme. Avec poésie ou avec ironie, les artistes se font les observateurs et les acteurs de ces nouvelles géographies. Envisagé comme un retour à l’expérience, à la transmission orale, à l’absence de technologie, et comme le lieu d’un syncrétisme, socle commun à l’humanité, loin des premières définitions fermées du terme ; le folklore constitue pour les artistes une matière dont ils s’emparent en vertu de sa capacité à réenchanter le monde et à circuler dans le temps. Comme le prédisait Joseph Beuys, le folklore a le pouvoir de nous faire naviguer entre passé, présent et futur, et d’ouvrir des horizons paradoxalement universels.

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